Dans la ville d’Abilène – aujourd’hui en Tunisie – le 12 février 304, une cinquantaine de chrétiens sont arrêtés au nom de l’Empereur au sortir de la messe. L’un d’eux, Emeritus, à qui l’on demande de renier l’eucharistie, répond : « Renier l’eucharistie c’est renier le Christ et ne sais-tu pas que des chrétiens ne peuvent pas vivre sans messe ». Felix, interrogé à son tour proclame : « Comme si un chrétien pouvait vivre sans messe » et encore « ne sais-tu pas Satan que les chrétiens font la messe et que la messe fait les chrétiens, et que l’un ne peut exister sans les autres ». Cette formule a été reprise par le cardinal de Lubac (1896-1991) « L’Eglise fait l’Eucharistie ; l’Eucharistie fait l’Eglise ».
Peut-être nous sommes-nous trop habitués à la célébration du sacrifice Eucharistique, que nous réduisons à n’être qu’une activité religieuse occasionnelle, lorsqu’on a le temps, lorsqu’il n’y a rien de mieux à faire, lorsqu’on « en a besoin », comme une activité associative, au mieux un activité de cohésion. En la réduisant ainsi, nous risquons aussi de vouloir l’adapter à nos critères, mettant de côté et ignorant ce qu’elle est, pour l’utiliser comme un outil de propagande, de formation, d’animation, de convivialité,
C’est à la suite du Seigneur, et selon son commandement « faites cela en mémoire de moi », que chaque Dimanche « fidèles à la Fraction du Pain », nous répondons à l’appel du Seigneur, que nous nous rassemblons pour reconnaître à notre tour, comme les disciples d’Emmaüs en chemin, à le Seigneur Jésus ressuscité à la fraction du pain.
Ce faisant, nous sommes l’Eglise, quelque modeste que puissent être ces assemblées, qui célèbre l’Eucharistie, et par suite, unis par le Seigneur Jésus ressuscité, rassemblés, nourris et sauvés par Lui, l’Eucharistie fait l’Eglise. Nous n’en sommes pas maîtres, nous recevons cela comme un don de Dieu.
Cela a un retentissement particulièrement vrai dans la relation entre fidèles du Christ prêtres et fidèles du Christ laïcs. Comme prêtres, issus d’une communauté de fidèles qui a nourri notre vocation, ordonnés par une communauté de foi qui a reconnu cet appel, nous sommes envoyés, donnés à une communauté de vie et de foi particulière. Si l’Eglise fait l’Eucharistie et l’Eucharistie fait l’Eglise, il est vrai aussi d’une certaine manière – en vérité, dans l’Esprit-Saint-, que le prêtre fait la communauté, parce qu’il en est la partie émergée et la plus visible, qu’il en est la pasteur. Dans le même temps, la communauté fait le prêtre, au sens où le service de cette communauté particulière, avec ses joies et ses peines, ses pauvretés et ses richesses, ses besoins et ses richesses, façonne et forge le cœur du prêtre, ce qu’il est, ce qu’il fait. Il serait tellement faux d’opposer prêtres et laïcs. Je peux dire qu’après 13 années passées à Robion et aux Taillades, je ne suis pas le même, et ce que je suis aujourd’hui, c’est grâce à vous.
Or, c’est précisément dans la célébration de l’Eucharistie que ce mystère de Salut se réalise, et que chacun selon sa grâce et son charisme, fait l’Eglise par la grâce de ce Très-Saint-Sacrement.
abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades