« Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé » : nous disons chaque jour cette prière au moins une fois, peut être sans y prêter vraiment attention, machinalement. Nous demandons le pardon pour nous-mêmes, comme le fruit, la conséquence ou la corrélation du pardon que nous donnons aux autres. Avons-nous pris seulement le temps de réfléchir à la portée et aux conséquences de notre demande. Est-ce si évident ?
Pour certains, il semble qu’il n’est pas possible de pardonner, parce qu’ils ne peuvent ni ne veulent oublier. Pour une part, ils n’ont pas tort. Toutefois, pardonner, ce n’est pas oublier ! Comment oublier le mal qui nous a été fait et qui parfois revient comme une douleur lancinante, physiquement ou moralement ? Ce ne serait ni juste, ni humain.
Ce pardon semble parfois impossible, pour nos propres offenses, comme si nous y étions irrédiablement enchaînés. Nous n’imaginons pas que ce pardon puisse être possible, ni que nous le méritions. De fait, nous ne le méritons pas, mais Dieu veut nous le donner, pour autant que nous acceptions de le recevoir, et de nous appuyer sur son amour de miséricorde pour vivre libres de ce péché.
Pour d’autres, cela paraît si facile, trop facile ! Ce sont bien souvent les mêmes qui affirment cela, qui sont aussi les plus réticents aussi à demander et recevoir ce pardon ; et ils le caricaturent ! Or, ce pardon, tellement présent dans notre foi chrétienne, n’est pas une facilité, c’est une vraie démarche de conversion.
Ce serait facile si le pardon consistait seulement à trouver des excuses et encore moins des justifications, qu’elles soient ou non réelles. Le pardon ne dépend pas des excuses, c’est insuffisant, c’est trop peu. Il dépend encore moins d’explications qui justififieraient notre péché !
La racine du pardon est dans le cœur de celui qui a fait le mal, comment ? Tout d’abord lorsque nous prenons objectivement conscience de la réalité de ce mal que nous avons fait, même si sur le moment, nous n’en avons pas nécessairement eu conscience. En outre, nous devons mesurer combien ce péché a pu avoir de conséquences, la blessure dont il est la cause dans notre cœur, dans le cœur de notre prochain et dans le cœur de Dieu, et combien il blesse nos relations.
La demande et le désir de pardon doit naître d’une part de notre désir de guérir le mal qui a été fait dans le cœur du prochain, comme un acte de charité. Nous devons ensuite vouloir rétablir la relation en ne laissant pas le dernier mot au mal, comme un acte d’espérance. Nous devons enfin avoir la ferme résolution de nous libérer personnellement de ce mal, comme un acte de foi.
A tout péché miséricorde ! Oui, mais ce pardon n’est pas un simple acte administratif, comme un non-lieu, un acte automatique ! Il est un cheminement spirituel, qui porte du fruit en acte et en vérité. Ce qui conduit cette démarche, c’est de découvrir ce Dieu qui est amour, c’est dans son Coeur qu’en comprenant l’amour nous pouvons comprendre combien nous l’avons blessé, combien nous blessons notre prochain, combien nous blessons notre capacité d’aimer et d’être aimés. C’est dans son cœur que nous pouvons puiser les moyens de nous libérer de ce mal, d’en guérir et de le réparer.
Puissions-nous faire l’expérience de cette miséricorde, puissions-nous prendre les moyens, dans le sacrement de la miséricorde de vivre cette expérience.
abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades