Cette exhortation de Notre Seigneur est toujours difficile à entendre et à comprendre. Chacun garde le souvenir d’un événement douloureux, de blessures, de situation éprouvantes pour lesquelles, quelle que soit notre volonté, il nous est difficile et de pardonner et d’accepter d’aimer nos ennemis. Le pardon et la miséricorde sont des formes de l’amour, qui précisément ne se laisse pas anéantir par le mal, mais le dépasse, le surmonte et le vainc.
Cependant, malgré la difficulté, cela demeure nécessaire, pour deux raisons. Tout d’abord, pardonner, par miséricorde et par amour, c’est le moyen pour chacun d’entre-nous de ne pas rester prisonnier du mal qui nous touche et nous affecte. Si nous ne pardonnons pas, nous demeurons sous l’emprise de ce mal, comme si nous mêmes, continuions à nous infliger ce mal. Par ailleurs, pardonner, c’est ne pas laisser au mal le dernier mot, c’est laisser une porte ouverte pour la conversion. C’est un moyen qui est donné à celui qui a fait le mal d’en prendre conscience, de se repentir et de se convertir.
Plus encore, par le pardon, précisément à cause de sa difficulté, nous faisons particulièrement et concrètement l’expérience de la grâce de Dieu. « Il y a plusieurs signes par lesquels on peut connaître que Dieu règne en nous par sa grâce », enseigne le Bienheureux César de Bus, « Le premier est quand l’homme aime son ennemi, et s’efforce de faire plaisir à celui qui lui veut du mal. Car comme c’est une chose qui surpasse les forces de la nature, il ne faut point douter que la grâce n’en soit la cause ».
Cela n’est pas vrai seulement pour chacun de nous qui par là mesurons la réalité de l’oeuvre de la grâce, mais c’est aussi un témoignage éclatant. Il n’est pas rare de lire ou d’entendre le témoignage du pardon de parents, en particulier, envers ceux qui leur ont pris leur enfant. Ces témoignages sont saisissants. Au regard de ceux-ci, que valent la haine, la vengeance, la violence, en paroles ou en actes, entretenue par d’autres ? « la haine est une flèche » ajoute encore le Bienheureux César de Bus, « et une épine importune enfoncée dans le coeur ». Ces sentiments se dissipent sans laisser de trace, comme les ténèbres lorsque jaillit la lumière !
Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades