Ces paroles sont celles de Notre Seigneur s’adressant à Pierre « arrière ! Satant, tes paroles ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ». Que lui vaut un tel avertissement, un tel reproche alors que tout semblait bien commencer ?
Notre Seigneur s’adressant aux apôtres leur demande « au dire des gens, qui suis-je ? ». Les « gens » ! cette foule que l’on ne peut ni dénombrer, ni nommer, une foule sans visage, sans liberté, sans pensée ! Chacun a son hypothèse, son idée, sa solution. Les gens, c’est un peu les réseaux sociaux... en réel. On ne sait pas à qui on a à faire, mais on se trouve immédiatement soumis aux hypothèses les plus farfelues, aux jugements péremptoires, aux critiques arbitraires et aux condamnations anonymes sans appel.
Mais au fond, ce n’est pas ce qui intéresse Notre Seigneur : « Et vous ? Que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Cette question implique de chacun d’entre-nous une réponse personnelle, sincère, intime, solide. Cette question adressée aux disciples est celle que Notre Seigneur nous adresse à chacun dans notre foi et notre vie chrétienne. Il ne s’agit pas de donner une réponse toute faite, de réciter une leçon apprise mécaniquement, de répéter des phrases ou jugements tous faits, sans réflexion, ou encore d’inventer une foi au hasard et selon la fantasie de nos états d’âme. Pierre commence par répondre « tu es le Christ », parce qu’il reconnaît en Jésus celui que les Saintes Ecritures ont annoncé, il reconnaît en Jésus l’accomplissement concrète des promesses de Dieu. Sa réponse est avant tout enracinée dans la Parole de Dieu, comme l’une des sources de la connaissance de Dieu. Et par suite, la vie et la foi chrétienne ne sont rien d’autre que de continuer à répondre à cette question par nos paroles, par notre vie, par notre prière.
Or, comme saint Pierre, nous pourrions donner une réponse juste et par la suite, ne pas tirer les conséquences de ce que nous affirmons, et ainsi réduire le Christ pour le mettre au service de nos idées, de nos intérêts ou pire encore, de notre fantaisie. Le Seigneur Jésus est-il pour nous simplement un personnage du passé, plus ou moins virtuel, un prophète ou un personnage héroïque dont les paroles et les actes peuvent être exemplaires, un personnage mythologique, une idée, un concept … ? C’est pour avoir réduit le Christ à ses ambitions que saint Pierre se fait reprendre. Assurément, c’est là la première trahison de saint Pierre, comme elle peut être la nôtre.
Etre chrétien, c’est répondre à cette question « pour vous, qui suis-je ? » en ce que nous professons, dans ce que nous sommes, en ce que nous vivons, dans notre manière même de prière, dans ce que nous disons.
abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades