Nous faisons bien souvent l’expérience que les mots que nous utilisons sont impuissants à exprimer justement ce que nous voulons dire. Il nous faut parfois bien des phrases afin de parvenir à exprimer notre pensée, et bien souvent, un silence, un regard, un geste en disent plus que de longs discours !
Nous parlons à des enfants – infans, au sens littéral, qui ne parlent pas -, sans que cela nous pose de problème. Nous ne sommes pas attentifs à ce qu’il comprennent formellement, ni à ce qu’ils peuvent exprimer avec leurs moyens, aux sons qu’ils produisent, mais à ce qu’ils disent, avec ces signes. Etonnemment, alors qu’ils n’utilisent pas de mots, et qu’ils ne comprennent pas ceux que nous employons, la communication passe ! Elle ne passe pas d’abord dans les mots, mais par des signes, des gestes, des regards, et nous nous comprenons, nous échangeons. La priorité n’est pas d’abord intellectuelle, elle est plus large, elle est humaine, elle touche le cœur.
C’est ce qui se passe dans la liturgie. Nous avons trop souvent tendance à vouloir réduire la liturgie à une réalité intellectuelle, à des concepts, à des idées, à des explications. Cela n’est pas absent, mais ce n’est ni premier, ni le tout de la liturgie. L’intelligence a sa place, bien évidemment, mais avant tout, c’est le cœur qui est sollicité. Il ne s’agit pas d’une simple affectivité ou de sensibilité, qui pourraient n’être que subjectives voire superficielles, mais de l’intelligence du cœur, capable de comprendre au-delà des mots, de saisir la Parole, au-delà des mots, ce qui est dit, au-delà de la façon et de moyens employés pour le dire.
Cela est particulièrement touchant avec le chant grégorien. Contrairement au chant rythmique où les mots sont adaptés à une mélodie, le chant grégorien puise sa mélodie non seulement des mots, mais de leur sens, dans la Parole qui les porte. Ce que vise le chant grégorien, ce n’est pas d’abord la compréhension intellectuelle et rationnelle, mais la compréhension du cœur, qui se laisse toucher, comme lorsque nous sommes touchés par un petit enfant qui par un signe touche notre cœur.
Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades