C’est ainsi que le prophète Isaïe, cité par St Mathieu (12, 14), annonce le Messie : « Je ferai reposer sur lui mon Esprit, aux nations, il fera connaître le jugement ». Nous pourrions nous arrêter-là et penser que le Messie est annoncé simplement comme un juge, un magistrat qui rend et exécute des sentences, distribuant les bons et les mauvais points. Les choses pourraient être simples ou simplistes : c’est noir ou blanc, c’est oui ou non, c’est vrai ou faux... Le but serait-il simplement de prononcer une sentence, comme si le seul enjeu, la seule chose recherchée était cette proclamation d’une loi, d’une règle ? Il pourrait nous être facile d’entrer dans cette logique, et nous satisfaire de n’être que des juges, nous excluant, pour une part, des exigences de la loi. Le monde et la société actuelle ne manquent pas de ces juges !
Mais le prophète Isaïe poursuit en détaillant comment le Messie rend la justice : « Il ne cherchera pas querelle, il ne criera pas, on n’entendra pas sa voix sur les places publiques. Il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, jusqu’à ce qu’il ait fait triompher le jugement. ». Cela met en évidence que ce que cherche ce juge, ce n’est pas simplement de proclamer et de brandir une justice et une loi, comme un instrument de querelle et de combat. Pour autant, il ne s’agit pas de se taire. Ce faisant, ce qui transparait c’est la discrétion - qui n’est pas le silence ou le mutisme -, parce qu’il parle au coeur... on n’entendra pas sa voix sur les places ; c’est la compassion... il n’écrasera pas le roseau froissé ; c’est la miséricorde... il n’éteindra pas la mèche qui faiblit ; c’est la patience et la persévérance... jusqu’à ce qu’il ait fait triompher le jugement.
Ce qui est important, c’est moins le péché que le pécheur, moins la condamnation du péché que la conversion du pécheur, moins la dénonciation du péché que de prendre les moyens de changer les cœurs. C’est l’homme, créé à l’image et ressemblance de Dieu, homme et femme, qui doit rester au cœur, comme il est au cœur de Dieu. Bien sûr, il ne faut pas ignorer le péché qui non seulement blesse notre relation à Dieu, voire la brise, mais qui nous blesse aussi, dans ce que nous sommes.
« Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé en qui je trouve mon bonheur ». L’Evangile ne fait pas de nous des juges, mais des serviteurs, parce que son amour demeure en nous par la grâce. Etre serviteur de cet amour, c’est d’abord en vivre et le connaître, pour le transmettre et en témoigner. Le Seigneur Jésus le dit ailleurs : « je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive ! ».
abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades