Ce terme, apparu dans la deuxième moitié du XIX° siècle dans un contexte politique spécifique, désignait à l’origine une opinion selon laquelle on prônait une intervention du clergé dans la vie politique d’un pays. Evidemment, cela a donné naissance à un mouvement opposé appelé anticléricalisme. Aujourd’hui, ce terme est aussi utilisé pour qualifier une attitude du clergé dans la vie même de l’Eglise. Cette attitude est fondée sur une conception déviante du clergé, du ministère ordonné en particulier, jusqu’à lui attribuer une déférence excessive, une supériorité morale. Le cléricalisme n’est pas le seul fait des clercs eux-mêmes, mais aussi de la part de fidèles laïcs.
Le cœur du cléricalisme est le fait d’attribuer - a priori - à une personne, en raison de sa qualité, de son état, de sa responsabilité, une supériorité, une prédominance. Or, l’évêque, le prêtre ou le diacre ne sont pas meilleurs par leur ordination, et cela ne leur donne pas une supériorité a priori sur les autres. Leur ordination leur attribue une mission, une responsabilité, des prérogatives au service du Peuple de Dieu. Comme le disait saint Augustin de manière synthétique et significative : « avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque ».
Ce qui me met mal-à-l’aise avec cette notion, c’est qu’elle apparaît souvent d’abord et exclusivement comme une mise en accusation des seuls prêtres, comme si les prêtres seuls prétendaient au cléricalisme, en étaient fautifs et coupables. Or, des chrétiens peuvent aussi avoir cette conception du prêtre, le plaçant dans une situation de supériorité, sans prendre en compte, voire ignorant son humanité, comme s’il était hors du temps, hors des contingences humaines et matérielles. Par exemple, avez-vous jamais invité un prêtre à votre table, et pourquoi ? Bien sûr, certains prêtres peuvent avoir cette propre conception d’eux-mêmes, mais cela peut être vrai aussi pour des évêques ou des diacres. Plus encore, sous prétexte et sous couvert de combattre le cléricalisme, des fidèles laïcs, peuvent avoir une attitude cléricale fondée précisément sur le fait qu’ils ne sont pas prêtres, comme si cela leur donnait, a priori, une supériorité, une prédominance, une prévalence accompagnée de mépris.
Le cléricalisme n’est rien d’autre qu’un abus d’autorité qui conduit à outrepasser son pouvoir et ses prérogatives, et par suite à les détourner de leur finalité propre, pour en faire un instrument à son propre service exclusif.
Même si, historiquement, le cléricalisme est né dans le clergé, comme une maladie qui porterait le nom du premier qui en fut affecté, il n’est pas le seul fait du clergé, ni des seuls prêtres. Il ne s’agit pas de chercher des coupables ailleurs, mais de rester chacun vigilants et attentifs pour ne pas tomber dans ce travers. Cela ne peut se faire qu’humblement, dans la prière, en reconnaissant ses péchés en vérité, et en fixant notre regard et notre cœur sur le chef de notre foi qui la conduit à sa perfection, selon les paroles de l’épître aux Hébreux, le Christ-Jésus Notre Seigneur et Sauveur.
Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades