Ce 11 juillet, nous fêtions saint Benoît, patriarche des moines d’Occident et déclaré patron de l’Europe par le pape saint Jean-Paul II.
A la suite des apôtres, à partir du VIe siècle, de nombreux hommes et femmes ont tout abandonné pour suivre le Christ dans la solitude, la prière, la vie fraternelle et le travail. Ora et Labora, prière et labeur, proclame la devise des bénédictins. Ainsi, ils ont établi des monastères, des prieurés, des chapelles dans tous les coins de l’Europe, depuis les villes les plus populeuses, jusqu’aux campagnes les plus isolées, ils ont créé un réseau fraternel. Leurs monastères sont partout des forteresses où les hommes peuvent venir s’abriter contre les tourments de l’âme, l’agitation du monde et les menaces des barbares de toute sorte. Leurs abbayes sont des foyers et des sources de foi, de culture, de connaissance, d’art, de beauté, d’éducation. C’est ainsi que non seulement ils conservent mais aussi nourrissent, enrichissent, favorisent et transmettent la culture sous toutes ses formes. Mettant leurs compétence et leurs biens au service de tous, ils assainissent les terres, civilisent les régions les plus sauvages, favorisent la création artistique, permettant dans leur sillage de donner accès au plus grand nombre à ces richesses, et aux hommes et femmes de vivre et travailler.
L’actualité nous donne souvent - trop souvent – l’impression que la barbarie sous toutes ses formes a pris le dessus sur la culture et la civilisation : incivilités, violences, saccages, indifférence, égoïsme. Il n’est pas jusqu’à la réussite sociale ou économique qui camoufle mal une véritable barbarie et une violence d’autant plus sournoise qu’elle a les apparences de la civilisation et de la réussite. L’héritage de saint Benoît ne serait-il qu’un souvenir, un objet de musée ?
Le Seigneur dit « celui qui aura quitté sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres à cause de mon nom, recevra le centuple et recevra en héritage la vie éternelle ». Ce qu’ils ont quitté, aux vues de l’histoire, semble peu de chose, mais parce qu’ils l’ont fait au nom du Christ, cela a porté un fruit qui demeure. Et aujourd’hui, nous en sommes les héritiers et les bénéficiaires. Ce que nous sommes dans nos pays, notre culture, notre humanité avec ses valeurs et ses richesses, nous le leur devons en grande partie. Nous sommes les fruits de cet arbre aux racines profondes et aux multiples ramifications.
Cependant, pour que cet arbre puisse encore porter du fruit, demeurer fort et continuer à croitre, il est nécessaire d’en prendre soin et lui permettre de vivre. Ce que nous enseignent les fils de saint Benoît, c’est la voie pour vivre en chrétien, en sachant abandonner ce qui nous empêche de suivre le Christ, en nous attachant à lui avec toujours plus de ferveur. La force de leur témoignage est de nous faire comprendre que le Seigneur peut oeuvrer par sa grâce dans notre vie, jusque dans les aspects les plus modestes de celle-ci. Les fondations chrétiennes de l’Europe ne dépendent pas de l’inscription de celles-ci dans une loi, mais dépend de la vie des hommes et des femmes d’aujourd’hui.
Cet héritage, en prenant conscience de sa réalité, de sa richesse, de son importance, il est nécessaire que nous le fassions vivre, que nous lui permettions de continuer à laisser pousser ses racines, à lui donner de nourrir et enrichir notre vie par ses fruits. En particulier, nos églises sont le premier lieu, le lieu visible et public pour le vivre et le manifester, sans laisser cet place vide que d’autres pourraient prendre.
Quelle récompense aurons-nous pour avoir tout quitté ? Pourrions-nous demander comme saint Pierre. Il y aura la récompense de ce que nous aurons semé, de ce que nous aurons abandonné au nom du Christ-Jésus. Lutter contre la barbarie, c’est faire vivre cet héritage, non pas comme un étendard ou le conserver comme une pièce de musée, mais comme une réalité vitale qui marque notre vie jusque dans son quotidien.
Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades