Le passage des disciples d’Emmaüs dans l’Evangile de saint Luc, est pour moi une source toujours nouvelle d’émerveillement. Nous connaissons bien ce passage où le Seigneur Jésus ressuscité se fait reconnaître aux deux disciples à la fraction du pain, après avoir cheminé avec eux et leur avoir expliqué la Sainte Ecriture. Ces pèlerins d’Emmaüs sont une figure du pèlerinage de toute vie chrétienne, de la vie même de l’Eglise qui est en route, en chemin. Cette vie synodale (mot grec qui signifie « cheminer ensemble ») est la vie même de l’Eglise : nous ne sommes pas seuls sur ce chemin, et le Seigneur Jésus vient à notre rencontre.
Alors que ces deux disciples revenaient de Jérusalem et discutaient entre eux de « tout ce qui était arrivé », le Seigneur Jésus les rejoint et fait route avec eux, mais « leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître ». Par ses questions, le Seigneur les conduit à réfléchir sur les événements qui les ont marqués, et qu’ils ont vécu. Il les conduit à parler, à échanger à témoigner de leur espérance : « nous espérions, nous, que c’était lui qui allait délivrer Israël ». Leur espérance est réelle, même si elle n’est pas complètement ajustée.
Alors le Seigneur « commençant par Moïse et tous les prophètes, (il) leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait ». Il ne leur explique pas simplement ce qui le concerne lui, Jésus, mais ce qui le concerne lui, le Christ, le Messie, le Sauveur. La connaissance des Ecritures ne suffit pas, « ils sont lents à croire tout ce qu’ont annoncé les prophètes », mais il faut encore, à la fois, lire la Parole de Dieu à la lumière des événements de leur vie, et à la fois, vivre et comprendre ces événements à la lumière de la Parole de Dieu.
Toutefois, malgré tout cela, ils ne l’ont pas reconnu ! Alors, étant à table avec eux « il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna. Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent, mais il avait disparu de devant eux ». Il n’a pas complètement disparu, puisqu’il leur reste le signe tangible et visible par lequel il se fait reconnaître : le pain rompu, l’eucharistie. Et c’est là que tout se joue. Non seulement ils le reconnaissent, mais ils prennent aussi conscience que leur cœur était tout brûlant quand il leur parlait en chemin et qu’il ouvrait leur intelligence à la connaissance des Ecritures. Et ce faisant, au lieu de rentrer chez eux, comme une conversion, ils retournent à Jérusalem pour annoncer aux disciples que le Seigneur est ressuscité et comment ils l’ont « reconnu en chemin, à la fraction du pain ».
C’est bien dans cette démarche que nous devons entrer d’une manière nouvelle, qui doit nous conduire à reconnaître le Christ ressuscité dans nos vies, à la lumière de l’Ecriture et à la fraction du pain, pour, à notre tour, devenir ses témoins aujourd’hui et porter l’Evangile au monde.
abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades