Parmi les récits de l’Evangile, il en est un qui est particulièrement connu, c’est l’épisode où le Seigneur, marchant sur les eaux, rejoint les disciples en barque, au milieu de la mer. Même ceux qui méconnaissent les évangiles connaissent ce passage.
Notre attention est concentrée sur cet événement exceptionnel et miraculeux. Certains vont chercher à l’expliquer, à trouver une explication rationnelle à ce qui semble impossible, réduire le texte à une fable ou un récit imagé.
La première chose à prendre en considération, c’est le fait que si les disciples sont en barque sur la mer, c’est parce que le Seigneur lui-même leur a demandé de le précéder sur l’autre rive « vers Bethsaïde ». Alors qu’ils sont en pleine mer, « ils peinaient à ramer, car le vent leur était contraire ». C’est alors que le Seigneur Jésus vient le rejoindre. Mais eux, le voyant, pensent qu’il s’agit d’un fantôme, et ils ont peur. « Et ils se mirent à pousser des cris ».
Dans notre vie, par notre baptême, nous sommes nous aussi envoyé en ce monde, pour précéder le Seigneur, et d’une certaine manière préparer sa venue, pour l’accueillir lorsqu’il viendra. En bien des situations, nous aussi « nous ramons » parce que les vents nous sont contraires. Les choses ne vont pas comme nous l’aurions voulu, comme nous l’aurions espéré, comme nous l’aurions attendu. Les vents contraires sont ceux de nos résistances intérieures, de nos blocages, de nos limites humaines, spirituelles ou matérielles. Les vents contraires sont les événements du monde qui affectent notre vie, les conditions naturelles ou sociales. Les vents contraires sont parfois les personnes qui nous entourent et nous côtoient, par ce qu’elles sont, par ce qu’elles font, par ce qu’elles disent. Ces épreuves nous conduisent nous aussi à ramer, au milieu de la mer, sans avoir encore l’espérance de voir et d’atteindre l’autre rive.
Dans ces situations nous pouvons nous sentir très seuls, voir abandonnés, en tout cas, à bout de force, ne sachant que faire. Dans ces moments difficiles, sommes-nous capables de reconnaître le Seigneur qui vient à nous en marchant sur les eaux ? Ne sommes-nous pas tentés, nous aussi d’avoir peur et de pousser des cris ?
Dans ces situations, précisément, le Seigneur vient à nous, toujours de manière inattendue. Et ce qui causait notre inquiétude et nous faisait ramer en pleine mer, devient un signe, un signal qui nous prépare à voir venir le Seigneur jusqu’à nous. Et cela, c’est déjà une victoire.
La question que nous avons à nous poser est la suivante : comment le Seigneur vient-il à nous en marchant sur l’eau, quelles sont les eaux sur lesquelles le Seigneur marche pour venir jusqu’à nous de manière inattendue ? Ce sont bien souvent ces mêmes eaux qui sont la cause de notre épreuve, et qui nous font ramer, qui nous préparent à accueillir le Seigneur qui vient à nous.
Précisément, le Seigneur, s’approchant et s’adressant à eux, déclare : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! ». ensuite « Il monta ensuite avec eux dans la barque et le vent tomba ». C’est par cet échange et ce dialogue que nous pouvons accueillir la grâce, c’est-à-dire, la présence du Seigneur Jésus dans notre barque. Plus que le fait de marcher sur les eaux, ce qui me marque, c’est que le vent contraire qui les faisait ramer, tombe lorsque le Seigneur Jésus monte avec eux dans la barque.
abbé Bruno Gerthoux,
curé de Robion et des Taillades