Les foules étaient venues et s’approchèrent de Jésus, nous dit l’évangile de saint Mathieu (chapitre 15) : boiteux, aveugles, estropiés, muets... « et beaucoup d’autres encore », précise l’évangile. Bien sûr, ils étaient tous venus dans l’espérance d’une guérison, et ils ne furent pas déçus, puisque le Seigneur Jésus en guérit beaucoup, tant et si bien que tous étaient dans l’admiration et rendaient gloire à Dieu. Ils étaient là depuis trois jours, sans avoir rien mangé. Ils étaient prêts à repartir, ayant eu la grâce d’une guérison. Ils ne demandaient rien d’autre.
Toutefois, le Seigneur fut saisi de compassion en les voyant, prenant conscience qu’ils étaient là depuis trois jours sans avoir rien mangé, redoutant qu’ils puissent défaillir en chemin. Cette compassion est une des formes de l’amour, qui prend conscience et perçoit sensiblement la fragilité, la vulnérabilité, les besoins de celui qu’il aime, et veut prendre les moyens de lui venir en aide. Or, ils ne demandaient rien ! Peut-être n’avaient-ils pas conscience de leur fragilité, de leurs besoins. Peut-être se pensaient-ils forts de la grâce qu’ils avaient reçu ! Mais le Seigneur a perçu leur faiblesse, leur besoin.
Alors, le Seigneur « prend les pains, les bénit, les rompt et les donne aux disciples, et les disciples aux foules ». Ces mots sont ceux qui structurent la célébration du sacrifice eucharistique. Cette multiplication des pains, dans l’évangile de Saint Mathieu, est la première réalisation de l’Eucharistie. Et nous sommes peut-être ces foules, qui se croient comblées, qui pensent n’avoir besoin de rien d’autre, qui ne demandent rien. Nous connaissons peut être ces foules de boiteux, d’aveugles, d’estropiés, de muets... qui n’attendent et ne demandent rien. Nous sommes aussi ces disciples qui chaque dimanche ont la grâce de recevoir ce pain que le Seigneur a pris, béni et rompu, qu’il nous a donné. Il nous appartient, à notre tour, de donner ce pain aux foules, pour qu’elles ne défaillent pas en chemin.
Lorsque le Seigneur nous donne ce pain, ce n’est pas seulement pour que nous en soyons rassasiés, mais aussi, indissociablement, pour que nous le donnions, à notre tour, aux foules.
Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades