S’adressant à Lévi, fils d’Alphée, assis à son bureau de collecteur d’impôts, le Seigneur lui dit : « suis-moi ! ». Suivre le Christ, se mettre à la suite du Christ, à son école, à l’écoute de sa parole, c’est le propre de la vie de tout chrétien. Etre baptisé, c’est cela, être consacré au Christ et vivre à sa suite, en sa compagnie, à l’écoute de sa parole, avec l’aide de sa grâce qui est sa présence avec nous et en nous.
Ce qui me marque, dans cet appel de Lévi, c’est qu’il est connu comme un pécheur public, parce qu’il est collecteur d’impôt. Son métier, sa fonction... c’est de voler ! C’est un pécheur : il le sait, tout le monde le sait. Le Seigneur ne l’appelle pas malgré son péché, mais d’une certaine manière, à cause de son péché. « je ne suis pas venu appeler des justes, mais des malades et des pécheurs ». C’est dire qu’au cœur de toute vocation, que ce soit la vocation universelle à la sainteté, ou la vocation particulière à la vie consacrée ou au ministère apostolique (évêques, prêtres et diacres), cet aspect doit demeurer présent au cœur de chacun.
En face, les pharisiens et les scribes voient cela, constatent qu’il mange avec les publicains et les pécheurs, jugent et condamnent. En pratique, ce faisant, ils se considèrent eux-mêmes comme ne faisant pas partie de ce groupe de publicains et de pécheurs. Ils se considèrent comme étant sans péché. Eux, ils savent ! Cet attitude, marquée par la dureté de leur certitude, est le propre de ce que l’on peut appeler le cléricalisme, qui n’est pas le seul fait des prêtres – comme je le rappelais dans un précédent éditorial -, mais de toute personne, clerc ou laïc, qui avant de voir, reconnaître et confesser son péché, voit, juge et condamne le péché des autres. Ce qui est une manière aussi, de ne pas voir son propre péché, et finalement, de s’exclure soi-même de la grâce.
Reconnaître son péché, reconnaître que nous en sommes guéris et libérés par l’appel et la grâce de Dieu, doit demeurer présent à notre cœur. Cette vulnérabilité, cette blessure – même guérie – qui laisse notre cœur vulnérable, est la marque de celui qui vit et marche en présence du Seigneur. Au fond, c’est cela qui fait de chacun de nous de véritables et authentiques témoins de la puissance et de la présence de la grâce de Dieu en ce temps. Il ne s’agit pas d’entretenir et de garder une culpabilité ou un remords du péché, mais notre péché devient, par la miséricorde de Dieu, le rappel de son amour, de sa bonté, de la puissance de sa grâce. Loin de nous enfermer dans une culpabilité, le pécheur pardonné s’ouvre à la compassion et à la miséricorde envers tout pécheur, et par là ouvre à chacun la possibilité d’être guéri, libéré et relevé de son péché.
C’est ce dont nous pouvons faire l’expérience, tout particulièrement, dans le sacrement de la Réconciliation, sacrement de la Miséricorde, qu’est la confession. Il ne s’agit pas d’y nourrir une culpabilité du péché, mais de laisser la grâce de Dieu faire son œuvre dans nos cœurs et nos vies. Ce sacrement nous permet de laisser sa place à Notre Dieu dans nos cœurs en vérité.
abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades