La chaise vide

31 octobre 2020

J’ai la grâce de servir des paroisses où la présence aux assemblées dominicales est importante et variée, et les cérémonies ferventes et recueillies. Toutefois, mon regard et mon cœur demeurent soucieux des chaises vides : toutes ces personnes que je croise et rencontre tout au long des années, des mois, des semaines, des jours, qui manifestent leur attachement à la foi – ne serait-ce que pour des célébrations occasionnelles de baptême, mariage ou enterrement -, mais qui ne sont pas là lors des assemblées dominicales. De fait, ils me manquent ! Ils nous manquent !

Dans les semaines qui viennent, ces chaises vides risquent bien d’être plus nombreuses. Pourtant, moi je serai là. Je vais continuer à assurer ma mission de prière, notamment par l’offrande du sacrifice eucharistique. Quelles que soient les conditions qui vont nous être imposées, il est essentiel, fondamental, vital que chacun saisisse cette opportunité pour ne rester ni passif, ni soumis. Même si les chaises demeurent vides, nous devons être présents !

En fait, sur le fond et sur la forme, je ne suis pas d’accord avec ces mesures qui touchent aux cérémonies religieuses et par là à la liberté de culte, comme si cela n’étaient que des activités parmi les autres, des loisirs, des activités non-essentielles. Pour nous, prêtres, c’est d’autant plus difficile à entendre et accepter, que notre activité ne se réduit pas à être un métier, une activité professionnelle, une occupation mais c’est toute notre vie, tout ce que nous sommes, comme peut l’être la vie de famille pour un couple et leurs enfants. Peut-on dire de la vie de famille qu’elle est une activité non-essentielle ? Cette chaise ne doit pas rester vide, parce qu’elle n’est pas un strapontin, mais elle est « ma place ». Lorsqu’elle est vide, ce n’est pas simplement une place libre pour un spectateur ou un client, c’est moi qui suis absent, qui manque !

Cette chaise ne doit pas rester vide, parce que c’est le moyen pour chacun de donner de la place à ce qui a vraiment de l’importance, de la valeur dans nos vies. C’est le moyen de remettre les choses à leurs place, de laisser à Dieu sa place, de revoir les priorités de nos vies, de n’être ni esclaves, ni passifs, ni soumis de ce monde et ses contraintes. Et les conditions actuelles nous conduisent à nous poser de vraies questions et à remettre en cause nos certitudes et nos habitudes.

Cette chaise ne doit pas rester vide, comme si la place était libre pour d’autres, pour autre chose. Il est essentiel que nous manifestions concrètement notre attachement à notre foi, sans peur, sans crainte mais avec conviction et audace. Si certains pensent imposer par la force et la violence leurs croyances, notre présence est la meilleure réponse pour affirmer nos convictions, et nous soutenir les uns et les autres, dans la foi, l’espérance et la charité.

 

Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades