Nous connaissons bien ce refrain dont l’air nous est familier et les paroles habituelles. Toutefois, en percevons-nous la pertinence, la justesse et la richesse ? Il me semble qu’il y a dans la parabole du fils prodigue (cf. Lc 15) une suggestive illustration de cette tendresse et de cette pitié.
La tendresse du Père transparait dans la tendresse du père du fils prodigue. La tendresse est une forme, une manifestation, une expression de l’amour. La tendresse, c’est l’amour qui se montre et s’exprime par des gestes et des paroles simples voire discres, qui pourraient même passer inapperçus. Elle s’exprime, alors que le fils « était encore loin » et que « son père l’aperçut et fut saisi de compassion » et qu’il « courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. ». Ce ne sont pas des mots qui sont prononcés, mais des gestes qui en disent plus que de longs discours. Elle est là cette tendresse lorsque le père dit à ses serviteurs : « Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. ». Mais surtout, elle est déjà-là, cette tendresse, lorsque le fils, perdu, démuni, humilié, du plus profond de son cœur, voit le regard de son père, lorsqu’il déclare « je me lèverai, et j’irai vers mon père ». Bien sûr, il y a du remord dans son cœur pour le mal qu’il a fait, bien sûr, il y a la situation de misère et de nécessité qui le fait réagir, mais surtout, il y a la marque dans son cœur, plus que le souvenir, de cette amour de tendresse de son père. C’est cet amour de tendresse qui lui fait reprendre confiance dans l’épreuve, qui le relève de son humiliation, qui lui donne force et espoir.
La pitié sonne plus négativement à nos oreilles dans un premier temps, lorsqu’il nous arrive de dire « il me fait pitié » ! Nous associons alors la pitié plutôt au mépris. Or la pitié est aussi une forme d’amour. C’est l’amour qui vient prenant conscience des faiblesses, des fragilités, des limites de la personne que l’on aime, loin de juger, mépriser ou condamner, vient au secours de cette personne, pour la soutenir, la relever, pallier à ses manques, guérir ses blessures. Cette pitié du père se manifeste précisement avec tendresse, lorsqu’il retablit son fils dans sa dignité de fils, là où ce dernier voulait se condamner et se punir lui-même, conscient de ses péchés. Elle est là cette pitié, lorsque le père va au-devant de son fils aîné qui refuse d’entrer, et qu’il sort pour le supplier « toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et ce qui est à moi est à toi » et lui faire prendre conscience que rien ne lui manque, et qu’avec son père, il a tout, que toute sa richesse ne réside pas dans les biens qu’il possède, mais dans l’amour, la tendresse et la pitié de son père.
Lorsque nous allons nous confesser, lorsque, comme le fils prodigue, prenant conscience de notre péché, de ce qui blesse notre cœur, nous voulons revenir vers le père, ce qui doit affermir notre cœur, ce qui doit nourrir notre espérance, ce qui doit rendre joyeuse notre démarche, c’est la réalité de cet amour de pitié qui se manifeste avec tendresse, cet amour de tendresse qui vient au secours de notre misère, pour nous libérer et nous guérir de notre péché. Puissions-nous profiter de ce temps de carême pour faire l’expérience de cette tendresse et cette pitié de notre Dieu.
abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades