Les conditions dans lesquelles nous sommes depuis plusieurs semaines sont assurément une contrainte qui nous est imposée, mais celle-ci, si nous y consentons de tout cœur, peut être l’occasion de mettre à l’épreuve, d’exercer et d’affermir nos vertus humaines. « Les vertus humaines sont des attitudes fermes, des dispositions stables, des perfections habituelles de l’intelligence et de la volonté qui règlent nos actes, ordonnent nos passions et guident notre conduite selon la raison et la foi » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°1804). Le mot « vertu » veut dire force. Ces vertus sont une force de notre vie humaine, et contribuent précisément à rendre notre vie humaine, en la libérant des conditionnements extérieurs, des emportements des passions, des contraintes subies.
Parmi ces vertus, il y a les cardinales qui jouent un rôle charnière et regroupent autour d’elles toutes les autres : « aime-t-on la rectitude ? Les vertus sont les fruits de ses travaux, car elle enseigne tempérance et prudence, justice et courage (ou force) » (Sg. 8,7)
La prudence est « vertu qui dispose la raison pratique à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir » (CEC 1806). Enracinée dans la recherche du bien, pour soi et pour les autres, en ces temps, elle est essentielle là où nous nous étions habitués à agir et vivre de manière insouciante et comme sans réfléchir. Face à ce qui était sûr, assuré et sans risque hier, nous sommes conduits à prendre du temps, à réfléchir, à peser et mesurer la situation et les risques et à agir en conséquence. Elle nous permet de prendre du temps - et nous n’en manquons pas ! - et de réfléchir.
La justice « est la vertu morale qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû » (CEC 1807). Cette vertu éclate dans le dévouement de tous ceux dont les compétences, le travail et le service permet à tous de continuer à vivre dans les meilleures conditions. C’est cette vertu, enracinée dans la prudence, qui nous permet de chercher à ne pas risquer de transmettre le virus, et à se protéger soi-même. Mais c’est aussi cette vertu qui nous conduit à chercher une juste relation pour que la distanciation soit seulement physique et non pas sociale. Même du point de vue de ce qui est dû à Dieu, précisément parce que nous sommes privés des moyens habituels (et peut-être auxquels nous nous sommes trop habitués, jusqu’à ne plus leur reconnaître leur juste place), la vertu de justice est affermie. Ces conditions nous conduisent à comprendre la place, l’importance et la valeur de la prière commune, de la participation à la célébration du sacrifice eucharistique, des sacrements. D’une manière particulière, précisément parce que nous en sommes privés, nous en percevons encore plus l’importance. Cela nourrit notre désir de la grâce de Dieu, et nous rend persévérant dans la prière.
La force est la « vertu morale qui assure dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du bien » (CEC 1808). Combien est-elle mise à l’épreuve en ces temps ! Le confinement est long et éprouvant, il nous impose persévérance et patience, et cela affermit la vertu de force qui peut nous conduire aux renoncements et aux sacrifices, non par contrainte, mais par choix, par amour.
La tempérance est « la vertu morale qui modère l’attrait des plaisirs et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés » (CEC 1809). Ni les plaisirs, ni les biens créés ne sont mauvais, mais leur utilisation, leur abus peut l’être. Et il s’agit bien de cela. Or, précisément, parce que nous sommes limités, confinés, que nous n’avons pas les conditions habituelles, nous redécouvrons la valeur et l’importance de choses, de réalités, de plaisirs simples.
Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades