Le prophète est celui qui parle au nom de Dieu, qui porte, transmet, explique la Parole qu’il a reçue de Dieu, qu’il s’est appropriée, qui a touché son cœur et changé sa vie. Le prophète porte ce message, cette Parole aussi bien par ses propos que par le témoignage de sa vie.
Par leur baptême, les XXXII bienheureuses religieuses martyres d’Orange, comme tout baptisé, sont devenues prêtre prophète et roi, unies au Christ leur Sauveur. C’est notre condition à tous, notre vocation de porter dans ce monde la Parole de Dieu, d’en vivre, d’en être les témoins, d’annoncer la Bonne Nouvelle du Salut. C’est ce qu’exprima la bienheureuse sœur du Coeur-de-Jésus Consolin, ursuline, lorsqu’à son procès on lui demanda « qui es-tu ? », elle répondit : « Je suis fille de l’Eglise. - Veux-tu prêter serment ? - jamais ! Ma municipalité me l’a demandé, je l’ai refusé parce que ma conscience me le défent. - La loi te l’ordonne. - La loi humaine ne peut me commander des choses opposées à la loi divine. ».
C’est enracinée et nourrie par leur consécration baptismale qu’a germé et s’est épanouïe leur consécration religieuse, témoignage prophétique au milieu du monde. La bienheureuse sœur Marie de Jésus Charransol, sacramentine, le confie après sa prise d’habit, en 1780 : « Loué soit le Très Saint Sacrement... Il me semble avoir porté l’habit de religieuse toute ma vie ». Et face à ses bourreaux, la bienheureuse sœur Claire du Bac proclame « Je suis religieuse et le serai jusqu’à la mort » elle aurait ajouté : « religieuse de coeur et d’âme ». Cette consécration religieuse, à la suite du Christ, a marqué leur vie, leur cœur, leur être. Et d’une certaine manière, l’acharnement fanatique des révolutionnaires montre combien ce témoignage de leur vie consacrée, même dans la discrétion du cloître, a porté du fruit.
Evidemment, leur passion et leur martyre fut aussi un témoignage prophétique que les circonstances éprouvantes, l’attitude et la haine de leurs bourreaux a fait resplendir avec encore plus d’éclat. La bienheureuse soeur Théotiste Marie Pelissier, sacramentine, écrivit dans un cantique à la Guillotine : « Si je crains pour ma faiblesse,/En Dieu je mets tout mon espoir ;/J’attends tout de sa tendresse,/ma force est dans son pouvoir./Il anime mon courage/En m’appelant au combat,/Ma vigueur est son ouvrage,/Oh ! Je ne m’y méprends pas. ». Face à ses juges, la bienheureuse Iphigénie de Gaillard, sacramentine, affirma héroïquement : « J’ai fait serment à Dieu, je ne puis en être déliée par les hommes. D’ailleurs, je ne connais pas de plus glorieuse et plus douce liberté que l’accomplissement de mes voeux monastiques. Le serment que vous me demandez serait une véritable apostasie. ». Leur martyre ne fut rien d’autre que le couronnement glorieux de leur consécration, et elles en avaient conscience, elles qui montaient à l’échafaud en chantant.
Abbé Bruno Gerthoux,
curé de Robion et des Taillades