Elles ne manquent pas les situations où, comme prêtres, nous percevons notre pauvreté humaine ! Il n’est pas rare d’entendre des reproches : nos défauts, nos imperfections, nos incompétences et même sur nos qualités ! Sans doute, nous manquons parfois de patience, il nous arrive d’être maladroits et incompris, de ne pas accueillir les personnes comme nous le devrions, et ces reproches ne sont pas tous injustifiés, en tout cas sur le fond. Cependant il y a bien des paroles qui nous blessent, plus qu’on ne peut l’imaginer. Le risque serait alors, en réaction, de nous enfermer, de nous barricader, de nous isoler encore plus jusqu’à l’amertume.
Un jour, une personne me demandait ce qui était le plus difficile dans ma vie de prêtre, en pensant, sans doute, que ce pouvait être la solitude. Je n’ai pas à me plaindre de la solitude, grâce à la prévenance de nombreux paroissiens, à la fraternité des confrères, à la bienveillance et la présence d’amis comme à celles de ma famille. Ce qui est le plus difficile, le plus éprouvant, c’est de n’être parfois considéré que comme un prestataire de service, un agent de service public, un fonctionnaire impersonnel du culte, un organisateur de spectacle. Là, il y a une vraie solitude douloureuse dans ce genre de relation, parce que nous pouvons avoir l’impression de n’être pas perçus comme des personnes humaines... mais seulement comme des distributeurs. Et quelle douleur, lorsqu’à la fin d’un cérémonie, on nous donne « une pièce » comme un pourboire ! Or, la vie du prêtre ne se réduit pas à ce qu’il fait ! Ce qui est vrai pour nous, prêtres, pourrait être vrai aussi d’autres situations et vocations. Il serait si simple, alors, de ne faire de nos vies qu’une longue lamentation.
Heureusement, notre vie ne se réduit pas à cela ! Loin s’en faut. S’il est vrai que ces situations nous font percevoir nos pauvretés avec plus de douleur, il est des situations où cette pauvreté laisse transparaître la grâce et la présence de Dieu. Elles ne manquent pas les situations où nous recevons aussi des marques et des signes de reconnaissance, des remerciements, des signes de bienveillance et de compréhension. Elles peuvent paraître anodines ces paroles par lesquelles les prêtres sont remerciés pour avoir dit telles paroles, pour avoir été présents à tel moment, pour une visite... Il y a quelques temps, à la sortie d’une messe, j’ai été marqué par le regard et le sourire bienveillants et reconnaissants d’une personne. Sans parole, en un geste, beaucoup était dit. Ce qui est marquant, alors, c’est que nous prenons conscience de notre véritable pauvreté. Non pas une pauvreté accablante et désespérante, mais une pauvreté qui laisse toute la place à la grâce de Dieu. Comme le proclame Saint Paul : « c’est lorsque je suis faible, que je suis fort ». Le constat de cette pauvreté laisse la place à une grande action de grâce qui jaillit du cœur : « Seigneur, je te rends grâce d’avoir permis ou accompli ce bien à travers moi, par mes paroles, par ma présence, malgré mes pauvretés ».
Parmi ces personnes, il y en a qui demandent : Comment vous aider ? En effet comment aider un prêtre ? Bien sûr, chacun peut prendre sa part dans la vie de la paroisse, selon ses capacités, son temps, ses charismes. Mais cela, ce n’est pas aider le prêtre, c’est simplement prendre sa place de chrétien dans la communauté. Aider une prêtre, c’est l’aider à prendre toujours plus conscience ses pauvretés sans se laisser anéantir par elles, mais en lui permettant aussi de prendre toujours plus conscience de l’oeuvre de la grâce à travers lui. Il y a deux choses qui m’aident à cela : la présence des fidèles, à la messe du dimanche certes mais aussi en semaine, d’une part, et d’autre part, la confession. Alors, comment aider un prêtre ? En étant chrétien, en acte et en vérité !
abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades