Je suis souvent surpris de constater à quel point beaucoup gardent une notion ou une idée du péché qui est fausse et réductrice. Trop souvent le péché n’est envisagé que sous l’aspect d’une faute, d’un manquement à un loi, une règle, un ordre ou commandement, quand bien-même ceux-ci ne seraient que ceux que nous nous donnons nous-mêmes. Ainsi, nous restons refermés sur nous-mêmes, nourrissant notre culpabilité, notre honte ou au mieux des regrets. La notion de péché réduite à celle de faute ou de manquement, ne laisse pas la porte ouverte à la miséricorde, et nous restons seuls face à cette faute, livrés à notre impuissance ou à nos incapacités. Elle peut nous noyer dans le désespoir, avec la tentation aussi, d’essayer de nous délivrer nous-mêmes en relativisant ce mal, en nous justifiant, voire en nous excusant.
Dans la notion de péché, la relation à Dieu, aux autres (et au monde) et à nous-mêmes, doit toujours être prise en compte. Si le péché n’est pas toujours un manquement à une loi, ou une faute, il est toujours une réalité (pensée, parole, action ou omission) qui affecte jusqu’à la blesser ou l’anéantir, notre relation à Dieu, aux autres et à nous-mêmes. Ce faisant, enfermés dans le péché, nous devenons incapables de porter du fruit, à l’image du figuier stérile de l’Evangile qui épuise inutilement le sol et que le maître ordonne de couper.
Au fond, ce n’est que le revers de cette Parole de Notre Seigneur : « tu aimeras Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force ; et ton prochain, comme toi-même ». Nous pouvons ainsi mieux comprendre ce qu’est la réalité fondamentale, vitale et essentielle de toute vie chrétienne : une relation à Dieu, aux autres et à soi-même. Il est nécessaire de porter du fruit, et c’est ce fruit qui est le signe de la réalité, de l’authenticité de notre vie chrétienne, c’est-à-dire de notre relation à Dieu Créateur et Sauveur, aux autres et à nous-mêmes, créés à l’image et ressemblance de Dieu, appelés au Salut et à la Sainteté. Ces fruits sont en particulier ceux de la foi, de l’espérance et de la charité, qui viennent consacrer et élever toutes les autres vertus humaines, en leur donnant sens, en leur donnant une valeur d’éternité, c’est-à-dire qui passe et dépasse ce que nos sens peuvent en percevoir, ce que notre intelligence peut en comprendre, et que seul notre cœur peut entrevoir et discerner.
Dans une relation, nous ne sommes jamais seuls, et le salut, la libération, la guérison passent par la miséricorde, celle de Dieu, en tout premier lieu, capable aussi de déborder, transformer, rétablir notre relation aux autres et au monde, mais aussi de rendre à chacun sa dignité, à l’image du fils prodigue de l’Evangile : « père, j’ai péché contre le ciel et contre toi ».
Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades