J’aime particulièrement l’Evangile de ce Dimanche pour la richesse toujours nouvelle de son enseignement. Et dans cette période de confinement, il nous apporte une lumière nouvelle pour garder confiance et ne pas perdre courage.
Le maître a confié ses biens à ses serviteurs, et chacun a reçu des talents « selon ses capacités ». Cette prévenance du maître par rapport aux capacités de ses serviteurs montre combien il est attentif à chacun, connaissant aussi bien leurs qualités que leurs limites. Si les deux premiers vont faire fructifier ces biens, le troisième qui n’avait reçu qu’un seul talent, a cependant eu peur et il est allé cacher son talent, rendant au maître ce qu’il lui avait confié. Non seulement il a eu peur, mais pire encore, il a eu peur de sa peur ! Et c’est sans doute cela qui l’a empêché de mettre à profit le talent qui lui avait été confié.
Nous sommes aujourd’hui ces serviteurs à qui le maître a confié ses biens. Il est parti, mais il reviendra ; il nous l’a annoncé. Que pourront-nous lui rendre ? Qu’auront-nous fait de ses biens ? Si cela est vrai pour toute notre vie, en cette période de confinement où notre vie change, nos repères et nos habitudes ne sont plus les mêmes, nous pourrions réagir comme le troisième serviteur et nous enfermer nous-même dans la peur et laisser s’éteindre notre cœur et notre vie.
Au deux autres serviteurs, le maître dit « bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup. Entre dans la joie de ton maître ! ». Quelles sont ces « choses de peu » qui méritent d’entrer dans la joie du maître ? En temps normal, lorsqu’il nous semble que nous sommes maîtres de nos vies, de nos moyens, de nos ressources, de nos initiatives, nous pouvons avoir la prétention d’entreprendre de grandes choses. En ces temps-ci, nous pourrions avoir l’impression que plus rien n’est possible, et le risque est grand d’entrer dans la peur et de cacher nos talents en attendant le retour du maître, le retour à la normale !
Au contraire, nous pouvons saisir l’opportunité qui nous est donnée pour nous attacher encore plus fidèlement, avec constance et persévérance, à faire fructifier nos talents dans ces conditions particulières et éprouvantes.
En premier lieu, la prière, aussi bien dans le silence d’un acte pur d’amour, dans la lecture et l’étude de la Parole de Dieu, de l’enseignement de l’Eglise et des saints, que dans les pratiques de piété qui vont rythmer notre quotidien, doit être cette « chose de peu » où s’exerce notre fidélité. Les conditions actuelles nous amènent à faire le tri, à faire du rangement dans nos maisons, profitons-en pour le faire aussi dans nos cœurs, par des actes de pénitences, qui nous conduisent à renoncer à ce qui n’est pas « essentiel », pour laisser plus de place à ce qui a vraiment de la valeur, qui est vital. Enfin, nous le savons, cette situation dévoilera de nombreuses détresses : matérielles, humaines, psychologique. La charité doit s’exercer avec encore plus de ferveur envers le prochain, et en premier lieu celui qui se situe dans les 1 km autorisés !
Cela semble bien peu, et presque dérisoire, n’est-ce-pas ? Et pourtant, déjà nous pouvons entendre le Seigneur murmurer « bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître ».
Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades