Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole : mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui, et, chez lui, nous ferons une demeure
Deux semaines après la canonisation de César de Bus sur la place Saint-Pierre à Rome, ces paroles résonnent à mon cœur, comme pour proclamer ce que furent la conversion, la vie et le cœur de l’œuvre de ce saint qui m’est cher.
Garder la Parole de Dieu, ce n’est évidemment pas seulement l’apprendre par cœur, pour la retenir et la répéter mécaniquement, comme une leçon. Un préalable est nécessaire pour garder la Parole, aimer le Seigneur : « si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ».
Garder la Parole n’est rien d’autre que la conséquence, la suite, le fruit de cet amour de Dieu. Il faut pour cela un cœur touché par l’amour de Dieu, un cœur blessé d’Amour.
César a longtemps résisté à cet Amour de Dieu, malgré son éducation, malgré les meilleures dispositions qu’il avait montré dès son plus jeune âge. Mais les épreuves, les échecs, la maladie, les déconvenues du monde avaient fermé son cœur.
Il fallu à César la persévérance obstinée et confiante d’une Antoinette Réveillarde, et la prière instante et fidèle d’un Louis Guyot, pour conduire César à se laisser toucher par l’Amour de Dieu. Antoinette s’adressant un jour à lui, s’écria « Dieu vous parle et vous ne l’écoutez pas ! ».
Dès lors, une brèche est ouverte dans son cœur encore attaché au péché. Une résistance est brisée, les yeux commencent à s’ouvrir, la lumière à briller, l’aveugle recouvre doucement la vue, les murailles de Jéricho de son cœur tombent. Alors qu’il est tenté de retourner à son désœuvrement, il confie à Antoine Larme, dans ses dernières confidences, qu’il entendit une voix lui disant « Tu vas de nouveau me crucifier ». Il revient alors auprès d’Antoinette, pour passer la nuit en prière en sa compagnie.
Il exprime sa conviction dans les instructions familières, ce qui est son héritage spirituel : « Je n’ai point voulu d’autre école que le mont Calvaire, ni d’autre Maitre que le Crucifié, ni d’autre livre que l’arbre de la croix ; d’autant qu’il n’y a chose aucune en laquelle on puisse plus apprendre qu’en la Passion du Fils de Dieu. (I-L14, 328) ». Ce qu’il découvre, ce n’est pas seulement la Passion, mais ce qu’elle dévoile : l’Amour de Dieu.
Il affirme encore « Si Dieu est connu de nous par le moyen de sa Parole, qui est couchée dans les Ecritures, nous le connaissons encore mieux par les œuvres que fit Jésus-Christ, guérissant les lépreux, illuminant les aveugles, et ressuscitant les morts ». Or c’est précisément par les Ecritures que nous le pouvons voir, contempler et suivre. Ce qu’il cherche dans la Parole de Dieu et les Ecritures, ce n’est pas une connaissance religieuse, mais la connaissance même de Dieu. « Il n’est rien qui déclare mieux l’amour extrême et la charité admirable qu’il a pour nous, que le mystère ineffable de la Passion de Jésus-Christ, d’où est sortie cette fontaine qui ne tarit jamais (III-L6, 149-150) ». C’est ce qu’il confiera d’une manière concise au Père Antoine Larme « j’ai un seul ami qu’il m’importe de conserver : Dieu ! ».
Cet amour de Dieu, cette amitié de Dieu qui lui est chère le conduit à garder sa Parole de Dieu qui, dit-il « est le pain de l’âme », c’est-à-dire une nourriture qui fait vivre et donne force. En le connaissant, nous l’aimons. En l’aimant, nous le voulons connaître plus encore, et le connaissant toujours mieux, nous l’aimons encore davantage. Voici la fontaine qui ne tarit pas « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. ». Cet amour, cette charité envers Dieu, nous conduit à le connaître, à l’aimer, plus encore, à être uni avec lui par la grâce « l’homme qui est uni à Dieu par la Charité est transformé en Dieu ».
Ce qui fit que cet homme, devenu aveugle avec l’âge, rendait grâce pour cela, parce qu’il affirmait n’avoir rien vu de si beau que depuis qu’il était aveugle : « le Seigneur m’a ôté la vue mais en fait je n’y ai rien perdu… je n’ai rien lui, ni vu, qui puisse se comparer à la vérité que Dieu m’a accordée dans ma cécité. » (Voici Pâques ! Cavaillon, 2007, p. 43), et d’ajouter, selon une formule que j’aime beaucoup « Nous le connaissons par la foi, nous le suivons par l’espérance et nous sommes unis à lui par la charité. (II, L2, 33) »
Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades