Cette semaine, très gentiment, un paroissien m’a invité pour le déjeuner et ce fut un moment très agréable. Cela lui a été inspiré par une lecture, lui faisant prendre conscience de la possible solitude du prêtre.
Toutefois, la solitude n’est pas seulement un problème de prêtre ! J’en fais souvent le triste constat... Chacun de nous peut être seul face à des choix, ses responsabilités, l’épreuve, la souffrance, et la mort. Ceux qui subissent harcèlement et violence ne sont-ils pas seuls face à leurs bourreaux ? Par ailleurs, alors que les moyens de communication sont très développés et à la portée de tous, ils contribuent aussi à isoler les personnes derrière leur écran, souvent cachés dans leur anonymat.
Le prêtre n’est pas plus seul qu’un autre, peut être moins, même. Comme j’aime à le dire, le plus difficile c’est de trouver des moments de solitude ! Notre mission nous conduit à rencontrer beaucoup de monde, à partager leurs émotions et leurs préoccupations, les accompagner dans les étapes de leurs vies. La famille, les amis sont très présents et précieux. La fraternité sacerdotale n’est pas un vain mot, mais une réalité importante, une joie et un soutien.
Toutefois, nous vivons des solitudes propres à ce que nous sommes comme prêtres. S’il ne m’est pas une épreuve, notamment lorsque je suis en vacances, de célébrer la messe seul, parce que le prêtre n’est en fait jamais seul lorsqu’il célèbre la messe, en revanche, j’éprouve une solitude douloureuse lorsque je célèbre la messe pour les fidèles, et qu’il y a peu de monde, surtout en semaine. D’autant que je prends toujours plus conscience combien les fidèles m’aident à être prêtre.
Ma vie de prêtre est une vocation, une réponse à l’appel de Dieu pour servir son Eglise et le Peuple de Dieu, par l’annonce de la Parole de Dieu, par la célébration des sacrements du Salut, par le conduite du Peuple de Dieu. Aussi, à certains moments, lorsque nous avons l’impression de n’être que des prestataires de service, d’être réduits à une fonction, notamment pour certaines célébrations (baptêmes, mariages ou funérailles), oui, nous pouvons ressentir une certaine solitude. Dans ces célébrations, nous sommes certes présents pour les familles lorsqu’elles en ont besoin, toutefois, trop souvent - même si ce n’est pas heureusement pas systématique - ces familles ne sont pas toujours là lorsque le prêtre en a besoin.
Ma solitude de prêtre est celle que je ressens lorsque submergé par la fatigue, je peux être maladroit ou même blessant dans mes propos ou mes attitudes et qu’en face de moi je ne rencontre ni compassion ni compréhension, mais reproches et critiques. Ma fatigue ne justifie pas mes erreurs, mais la compassion peuvent m’aider à m’amender et me corriger.
Personnellement, cette solitude est aussi une épreuve face à des responsabilités de mon ministère de prêtre, qui réclameraient des compétences ou des dispositions que je n’ai pas, et qu’il faut cependant assumer, parce que personne n’est là pour pallier à mes manques.
Au fond, rien d’exceptionnel en tout cela, et le but n’est pas de se plaindre. Toutes ces situations peuvent aussi devenir des occasions de me tourner toujours plus vers le Seigneur, trouver auprès de Lui la consolation et la grâce dont j’ai besoin, la force de surmonter ces épreuves, parce que « Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment ! », ainsi que l’affirme saint Paul dans l’épître aux Romains (8, 28).
Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades