Lorsque le Seigneur Jésus remarque Lévi, assis à son bureau de collecteur d’impôt, il l’appelle, et celui-ci, précise l’Evangile de saint Luc (5, 23-32), abandon,ant tout le suivit. Or le texte ajoute qu’il donna une grande réception dans sa maison, où une grande foule aussi était invitée. Il n’a manifestement laissé ni sa maison, ni ses biens. Qu’a-t-il donc abandonné ?
Le Seigneur l’affirme, en réponse aux récriminations et critiques des pharisiens, « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs, pour qu’ils se convertissent. ». Ce que Lévi abandonne, c’est son péché. Faut-il le redire, le péché n’est pas seulement une faute, le fait d’enfreindre une règle ou un précepte. Le péché est ce qui détermine, blesse ou brise notre relation à Dieu. Le péché nous sépare ou nous éloigne de Dieu, en fermant et blessant notre cœur devenu incapable de le reconnaître, de le voir, de l’entendre, d’accueillir son amour et donc sa grâce. Le péché nous isole, nous enferme, nous blesse. Le péché, en blessant notre relation à Dieu, touche aussi notre relations aux autres, voire notre propre considération et relation à nous-mêmes. Il nous empêche de nous voir en vérité, de nous aimer nous-mêmes et notre prochain.
« Suis-moi ! ». C’est cela que Lévi entend en premier. Les paroles du Seigneur Jésus ne touchent pas simplement ses oreilles, mais aussi son cœur. Il est appelé et touché personnellement, individuellement. C’est ainsi que nous devons nous rendre attentifs à la Parole de Dieu. Lorsque nous lisons la Sainte-Ecriture, lorsque nous l’entendons proclamée par la liturgie, lorsque dans le silence de la prière, nous l’entendons résonner dans nos cœurs, ce que nous devons chercher, ce à quoi nous devons nous rendre attentifs, c’est à cet appel personnel et intime. Le Seigneur s’adresse à moi, personnellement, il m’appelle par mon nom, il me permet de découvrir combien il m’aime.
C’est alors que Lévi abandonne tout. La foi, comme l’amour, ne se contente pas de paroles ou de déclarations, si celles-ci ne fleurissent pas, ne se manifestent pas dans les actes. Il ne s’agit pas d’entreprendre de choses extraordinaires ou héroïques, mais d’abandonner concrètement ce qui blesse notre cœur et notre vie, notre péché.
« Et il le suivait » : ce qui demeure un aspect essentiel de la foi chrétienne, c’est qu’elle ne peut jamasi se réduire à des pratiques religieuses ponctuelles, à une morale avec ses interdits et ses préceptes, à des croyances plus ou moins supersticieuses, encore moins en une imitation plus ou moins formelle ou caricaturale. La mesure de notre foi chrétienne, c’est la suite du Seigneur Jésus à son appel. En toute chose, en toute situation, dans notre vie quotidienne, comme dans notre pratique religieuse et notre prière, c’est Lui que nous devons suivre et chercher de tout notre cœur, parce que notre vie chrétienne est une vie avec le Christ.
Puisse notre carême, contribuer à faire de toute notre vie, cette vie à la suite du Christ, en sa présence, en sa compagnie, en sa grâce.
abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades